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Solidarités en questions et en actes : quelles recompositions ?

par Ilhame Radid

07 22, 2016 | dans Changement | 0 Commentaires

La solidarité est aujourd’hui une idée à la fois séduisante et équivoque. Dans le contexte de transformation sociétale que l’on traverse depuis quelques décennies, le sens et les formes qu’elle prend connaissent d’importantes reconfigurations, et ce, dans tous les domaines de la vie sociale.

Une invitation à se solidariser entre acteur/trice(s) concernées par l’intervention sociale

Qu’il s’agisse, par exemple, des enjeux liés au traitement des populations défavorisées (migrant(e)s, sans papiers, autochtones, minorités culturelles et sexuelles, en situation de pauvreté, etc.) ou encore des enjeux qui traversent l’organisation des services sociaux dans un contexte de profonde refonte de l’État social, la question des solidarités représente pour les acteur/trice.s de l’intervention sociale un important vecteur d’analyse des mutations à l’œuvre dans le tissu social, en même temps qu’un puissant moteur pour contribuer à la revitalisation des formes d’engagement mutuel qui animent les rapports sociaux.

Un regard à partager sur la transformation des liens qui nous unissent en société

Le thème des solidarités constitue un analyseur des transformations des liens sociaux entre les individus et des modèles d’État social autour desquels s’organisent les règles du contrat qui les unit. Mettant en scène l’articulation entre la liberté individuelle et la puissance collective, cette notion met en jeu la tension entre individualisation et collectivisation de la responsabilité des êtres humains (Soulet, 2004). Prenant diverses figures au sein des maintes sphères où se tissent les liens sociaux (citoyenneté, travail, famille, voisinage, etc.), les solidarités représentent une panoplie de réponses aux besoins de protection partagée et de reconnaissance mutuelle que nous éprouvons en tant qu’êtres sociaux (Fraser, 2011 ; Paugam, dir., 2014 ; Honneth, 2002). Aussi, les formes variées qu’elles prennent, selon les époques et les contextes, traduisent diverses orientations ainsi qu’une large variété de logiques d’action.

À l’échelle de l’État, différents modèles politiques orientent de manière fort variable la notion de solidarité sociale (Durkheim, 2007 [1897]; Van de Velve, 2010). Par exemple, si le modèle conservateur d’État social met en place des mesures corporatistes et paternalistes visant à préserver la cohésion de la collectivité, le modèle libéral propose des mesures résiduelles de solidarité pour pallier les besoins de l’économie de marché, alors que le modèle social-démocrate mise sur des mesures universelles de solidarité en vue de garantir la plus grande égalité possible entre tous/toutes (Esping-Andersen, 2008). Parmi d’autres orientations plus récentes, le modèle d’État social actif privilégie des mesures dites « activantes » pour donner aux individus les moyens de réduire la charge qu’ils représentent pour la collectivité (Arnsperger, 2006), pendant qu’un modèle sociocommunautaire favorise des mesures volontaires d’engagement réciproque entre des individus qui collaborent à l’actualisation de leur auto-organisation respective et collective (Vaillancourt, 2002).

De l’identification à un autrui semblable jusqu’à l’association avec un autrui radicalement différent se décline une large panoplie de modes de solidarité plus ou moins proximale ou distante sur les plans relationnel, spatial et temporel. Ainsi, le partage d’une relation de solidarité peut se fonder sur l’engagement au sein d’un « nous » constitué sur la base de relations d’interconnaissance (famille, pairs, voisinage), d’un « nous » enraciné dans une appartenance commune à une identité abstraite (genre, génération, nation), voire d’un « nous » tissé autour d’une préoccupation partagée avec un autrui éloigné (situations de catastrophe), éventuellement même d’un «nous» fondé sur la conception d’une « commune humanité » qui inclut l’autrui catégoriquement éloigné de ses appartenances (autochtones, sans-papiers, réfugié.e.s).

Or, dans un contexte où la relation du soi à autrui tend à se transformer en un « nous » contre un autre, penser la recomposition des solidarités implique d’explorer les conditions à mettre en place pour soutenir et renouveler des modes d’organisation sociale capables de conjuguer la reconnaissance de l’individualité de chacun(e) avec celle de semblables avec qui les liens d’interdépendance engagent au-delà des différences (Zoll, 2001). Aussi, alors que l’ordre productiviste ambiant fragilise tout autant le filet social que l’écosystème, il est urgent de considérer – voire de promouvoir – des formes de reconnaissance et de protection mutuelles inédites qu’élaborent divers acteur/trice.s sociaux/ales pour assurer leur devenir individuel et collectif au-delà des frontières culturelles, territoriales, politiques et temporelles.

Une occasion de revitaliser les solidarités qui animent le tissu social

Soulever de tels enjeux invite à observer ensemble les transformations à l’œuvre dans les formes de solidarités qui existent ainsi qu’à identifier les enjeux et les obstacles qui en compromettent le déploiement, mais surtout à discuter des manières dont l’intervention sociale peut être partie prenante de cette recomposition, et ce, à différentes échelles et dans différents domaines.

Comment s’articulent la défense des acquis sociaux et l’élargissement des droits sociaux dans les formes de solidarité en train de se reconfigurer ? Par exemple, sur le plan de la prise en charge publique des problèmes sociaux, de quelle manière les structures de participation locale peuvent-elles servir de courroie de transmission entre les populations vulnérables et les institutions publiques pour agir en faveur d’une plus grande justice sociale ?

Comment valoriser la responsabilisation collective des citoyen.ne.s, sans pour autant se substituer aux fonctions de l’État social ? Comment les solidarités citoyennes, associatives, syndicales, professionnelles, organisationnelles et institutionnelles sont-elles affectées par la réingénierie de l’État, par les modalités managériales de la nouvelle gestion publique et par les importantes réorganisations de services sociaux qui en découlent ? Quelles sont les possibilités et les limites des solidarités entre les secteurs public, associatif et philanthropique dans l’amélioration du bien-être social ?

Sur le plan de la négociation des modalités du vivre ensemble, comment les mouvements sociaux suscitent-ils la solidarité des citoyen.ne.s dans la lutte contre diverses formes d’oppression et pour la reconnaissance de l’existence sociale des groupes sociaux minoritaires ? Comment gèrent-ils la tension entre une recherche d’alliance entre eux en vue d’une cause commune et la nécessité de préserver leurs spécificités respectives ? Et, dans la sphère des relations de proximité, comment les acteur/trice.s de l’intervention sociale peuvent-ils/elles accompagner la recomposition des solidarités au sein des familles en transformation ou encore contribuer au tissage de liens sociaux entre des individus d’appartenances variées qui partagent les mêmes milieux de vie ?

Les axes thématiques de cette exploration des dimensions concernées par la question des solidarités :

  • La recomposition des solidarités, témoin et partie prenante de la transformation des liens sociaux
  • Les expérimentations et la mise en œuvre des solidarités aujourd’hui
  • La transmission des solidarités, ses modalités et ses enjeux

A3e s’attache à accompagner et travailler le collectif dans une société où la solidarité nationale est mise à mal.

La compréhension fine des territoires et de leurs populations permet de proposer des solutions opérationnelles, structurelles et stratégiques avec une approche ascendante et descendante des attentes des populations tout en répondant aux exigences des acteurs publics.

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