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«Du RMI au RSA : la difficile mise en place d’une gouvernance décentralisée des politiques d’insertion» de Anne Eydoux et Carole Tuchszier
par Ilhame Radid
06 11, 2015 | dans Non classé | 1 Commentaires

Anne Eydoux, Maître de conférences d’économie à l’université Rennes 2 et Carole Tuchszirer Économiste au centre d’étude de l’emploi semblent nous indiquer dans cet article le continuum réformiste de la mise en place du RMI au RSA couplé d’une gouvernance décentralisé complexe et non maîtrisé. Elles mettent en avant, dans un premier temps, le descriptif délicat des politiques sociales qui traduisent une inflexion dans la conception de la solidarité publique, partant d’une responsabilité national de soutien à une forme de solidarité «active» affectant le concept même de l’État social3. Dans un deuxième temps, Mesdames Eydoux et Tuchszier s’attaquent au problème de gouvernance dans la mise en place des différents dispositifs du RMI au RSA et la difficulté, au regard de la décentralisation4 et des moyens alloués au département dont dépend l’action social (et non l’emploi) de prendre en charge de façon efficiente les politiques d’insertion.
Pour construire leur analyse, les auteures se base sur deux approches complémentaires l’une liée sur le retour des débats parlementaire autour du RMI et de ses réformes successives et l’autre liée un ensembles d’études et d’évaluations disponibles en la matière.
La lecture des débats parlementaires nous montre que la réflexion sur les formes et les contenus de la solidarité est indissociable d’une réflexion sur la gouvernance de l’insertion. Cette lecture comprend trois temps forts :
-1/ ACTE I de la décentralisation et l’instauration du RMI (1988)
-2/ ACTE II de la décentralisation et l’instauration du CI-RMA
(Contrat d’insertion-Revenu minimum d’activité, 2003)
-3/ La mise en place du RSA (revenu de solidarité active, 2007).
L’évolution du RMI au RSA
1/ ACTE I de la décentralisation et l’instauration du RMI (1988)
Mis en place par un gouvernement de gauche, alors que les départements étaient majoritairement à droite, cinq ans après la loi Defferre relative à la décentralisation, le RMI est sujet à controverse dans sa construction. Le RPR pointe l’incohérence de l’État qui centralise car il intervient dans le financement, la définition du montant et les conditions d’attribution et décentralise partiellement le programme qu’il co-pilote avec le conseil général. Pour le groupe majoritaire (PS) la lutte contre la pauvreté, la solidarité nationale et l’insertion constitue un objectif majeur et le RMI serait un soutien financier au revenu qui doit favoriser cette Insertion. Enfin, l’opposition manifeste sur le fait de la contrepartie serait trop passive et ne mobiliserait pas assez l’usager.
La majorité parlementaire décide que l’État reste pilote et que les collectivités locales seront présentes pour assurer l’animation du dispositif. Par ailleurs, ils mettent en avant le risque de clientelisme. Le territoire désigné pour mener à bien cette politique est le département. L’opposition à l’image d’Adrien Zeller (député centriste du Bas-Rhin) dénonce le dispositif comme tournant le dos à la décentralisation même si ce dernier n’est pas opposé au projet de loi. Ces derniers mettent aussi en avant le manque de moyens alloués aux départements et que leur manque de crédibilité risque de porter préjudice dans le cadre de la coopération entre les différents acteurs. De plus, l’absence du service public de l’emploi (SPE) est vivement critiquée par les groupes RPR et UDF. Il y a donc la une dislocation entre les finalités du RMI et les voies organisationnelles choisies.
2/ ACTE II de la décentralisation et l’instauration du CI-RMA (2008)
Le gouvernement de Jean Pierre Raffarin est à l’origine de la loi portant la décentralisation du RMI et la création du RMA le 18 décembre 2003. Le choix de la décentralisation et du RMA à été justifié par ce qu’il a été convenu d’appeler «L’échec du RMI», à savoir la hausse du nombre d’allocataire, la faible proportion de contrats d’insertion et la multiplication des acteurs impliqués dans la gestion du dispositif. A «l’ardente obligation nationale d’insertion» qui s’imposait à la nation en 1988 se substitue la référence à la dignité de la personne. La notion de contrat, d’engagement réciproque, et la condamnation d’une tradition d’assistanat reflètent les propos de la majorité de droite. L’opposition qui ne critique pas le fait de la décentralisation mais pointent surtout le décrochage entre le dispositif spécifique mis en place et la perception uniformisant du RMIste portée par la réforme: un «sous contrat de travail qui concurrence les contrat aidés de la politique de l’emploi. Cette critique n’est pas réserver qu’a l’opposition car Christine Boutin qui qualifie le contrat d’insertion de statut hybride nuisant à l’insertion rajoute même que «les RMIStes se vivrons comme des gens dont le travail ne mérite pas de vrai salaire, pire encore l’impossibilité de revenir dans le système de l’assurance chômage est choquante et de nature à briser la démarche d’insertion»
Il faut se rappeler que la configuration politique des territoires à changer puisque en 2001 un grand nombre de département à basculer à gauche. La gauche souligne, par ailleurs, leur appréhension sur le désengagement de l’État, sur les conditions financières qui pourrait ne pas correspondre réellement aux besoins et qui obligerai alors les département à augmenter les impôts locaux ce qui serait contraire à l’exigence de la solidarité. Les limites de la décentralisation sont pointées: La faible articulation des politiques menées par les différents acteurs de l’insertion, la place prédominante qu’occupe le président du conseil général dans le pilotage de ce dispositif, la crainte de ne pas avoir des ressources correspondant et enfin une mauvaise distribution dans rôles dans la mise en place du dispositif.
3/ La mise en place du RSA (revenu de solidarité active, 2007).
Les objectifs fixés à la nouvelle prestation RSA confirment le glissement du RMI vers une prestation de retour à l’emploi, la primauté est donné à l’insertion professionnelle et «à l’articulation du dispositif avec l’intervention du service public de l’emploi», caler sur le leitmotiv motif présidentiel «travailler plus pour gagner plus». La mise en place de ce système d’intéressement englobe désormais un autre minima social qui est l’API (l’allocation parent isolé) et d’après Monsieur Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités, l’emploi c’est la règle et il n’y aurait personne d’inemployable, la solidarité est pensée comme un soutien au revenu et non plus comme une solidarité nationale, le principe d’activation est fort. Contrairement au CI-RMA qui à été abrogé, l’apparition d’un CUI (contrat unique d’insertion) en direction des demandeurs d’emploi et des allocataires, la fusion de l’ANPE et les ASSEDIC pour le Pole Emploi et l’assistance des opérateurs privés font apparaître une politique de retour à l’emploi brute. Quand à la gouvernance le département devient «le chef de file» des programmes d’insertion, il se doit d’adopter un pacte territorial d’insertion et de désigner un référent unique pour organiser l’accompagnement des allocataires. Cette gouvernance empreinte deux logiques: Celle du territoire et de sa vocation assistancielle puisqu’elle y occupe une place centrale et celle de l’assurance sociale, puisque les institutions de la relation salariale sont appelées à jouer un rôle majeur sur ce dispositif.
Pour Martin Hirsch il s’agit là moins de contraindre que d’inciter, moins de réglementer que de mettre en place une nouvelle régulation des politiques d’insertion misant sur des relations contractuelles et sur une grande marge d’initiative des acteurs locaux. La décentralisation n’est plus un point de discorde. Cependant, l’opposition met en avant la difficulté de mettre en relation les différents acteurs sur le terrain de l’insertion et de l’emploi, il précise que le rôle de référent unique est indispensable mais qu’il ne doit pas souffrir de carence dans le cadre de ses interventions ce qui fragiliserait les circuits de décision et rende sa fonction de médiateur illusoire. Cette critique marque l’absence de lien hiérarchique entre le conseil général et les autres acteurs concernés.
Les constats d’une gouvernance approximative et d’une décentralisation incomplète :
La mise en place de la gouvernance des politiques d’insertion (dédié au département) a souffert dès la création du processus de décentralisation. En effet, les compétences du département enchevêtres et limités par les compétences d’autres partenaires , des moyens financiers qui ne sont pas au rendez-vous et la mise en place chaotique d’une dynamique de partenariat nécessaire mais peu adapté sont un ensemble de problématique qui freine considérablement l’efficience du dispositif d’insertion.Cette décentralisation en ordre dispersé à l’image de la centralisation de l’allocation RMI en 1988, du renforcement opéré en 2003 des compétences du département qui est allé de pair avec une marginalisation des échelons infra-départementaux et des partenaires qui se sont inscrit dans des rapports de forces locaux font de la gouvernance des politiques d’insertion une gouvernance fragile et non adaptée.
C / La pertinence du choix du département
Dans le cadre du RMI
Le choix du département paraît peu cohérent dans le cadre de la mise en place des politiques d’insertion et deux problèmes sont fréquemment soulevés. Le premier concerne leur capacité à mener les politiques d’insertion et à mettre en place les coopérations requises entre les acteurs du social et de l’emploi, en effet comme le souligne Borgetto et Laforge (2007), le positionnement des départements « entre les espaces régionaux et locaux» et leurs retrait des «logiques économiques» rendent délicate la mise en œuvre de politiques d’insertion professionnelles. Le deuxième problème est celui de la segmentation entre les publics des politiques sociales et de l’emploi : le fait de confier les allocataires des minimas sociaux au département alors que les demandeurs d’emploi relève de l’ANPE induit, pour reprendre la formule de Borgetto et Lafore (2007, p 22) une «partition entre les populations insérées par le travail ou rattachés au travail par le biais de droits directs ou dérivés à protection, d’un coté, et les populations inadaptées, légitimement en dehors du travail et exclues car sans valeur sur le marché du travail, de l’autre». Il y a donc la dans cette conception de la solidarité publique «L’Etat-providence» qui régule la protection sociale des actifs et un «département-providence» en charge de la gestion et de l’insertion de «ceux qui ne peuvent répondre aux requêtes de performance et de compétition» (Lafort, 2004, P32-33).
Par ailleurs, comme l’ont souligné plusieurs travaux (Nerthet et Cutigh, 2002 ; cour des comptes, 2002 ; Mrimbert, 2004), la coopération entre les acteurs s’avère très difficile à mettre en œuvre (on parle même de partenaire contraint, notamment la CAF). En effet, tout les acteurs n’ont pas tous le même degré de compétences et d’autonomie de décision; de plus leurs compétences concernent des zones géographiques qui, au niveau infra-régional et infra-départemental, ne se recouvre pas toujours; enfin, leurs domaines de compétences peuvent être redondants et les mettre en concurrence voire en opposition, lorsque leurs cultures institutionnelles les opposent.
Dans le cadre du RMA
Malheureusement la mise en place du RMA et malgré le fait que le département soit placé en qualité de «chef de file» des politiques d’insertion, cela n’a pas permis de résoudre les difficultés de la mise en place du partenariat comme le souligne différents rapports (Corlay at al., 2006; Chevallereau et al., 2007). Le manque de définition des rôles de l’ANPE agissant en tant que double opérateur dans le cadre des suivis n’ont pas permis l’augmentation d’inscription à l’ANPE (un peu plus d’un tiers seulement étaient inscrit comme demandeurs d’emploi).
Le contexte de la mise en place du RSA marquée par la crise et les réorganisations du service public de l’emploi (Fusion ANPE-ASSEDIC pour Pôle emploi), la mise en place du contrat unique d’insertion (CUI) n’ont pas réussit à définir plus clairement des axes d’orientation concrètes et efficientes en direction des usagers.
En effet, malgré la création du CUI qui regroupe désormais les allocataires du RSA et les bénéficiaires du Pôle emploi, la part d’inscrits à Pôle emploi n’a pas augmenté. Malgré la variété des stratégies des plans départementaux d’insertion et la volonté de travailler avec le pôle emploi, les départements tendent à renforcer la segmentation entre allocataires, en différenciant ceux jugé proche de l’emploi et orientés vers Pôle emploi et d’autres confiés à des organismes (opérateurs public et privés) en charge de l’insertion sociale.
D/ Le financement du dispositif
Dans la gouvernance du dispositif la difficulté du financement des politiques d’insertion reste une problématique certaine. En effet, malgré le fait que dans la loi constitutionnelle (du 28 mars 2003) qui prévoit le transfert de ressources, on remarque que les financements ne sont pas indexées à l’évolution des dépenses (allocation , réorganisation des services, adaptation, recrutement,…) mais «au moment où à eu lieu le transfert» de compétence entre l’État et les départements. L’État à bien essaye de rééquilibré la tendance en transférant une fraction de la TIPP (Taxe sur les produits pétroliers) cependant cette dernière n’évolue pas non plus dans le sens des dépenses. La création du FMDI (fond de mobilisation départemental pour l’insertion) destiné à soutenir les projet d’insertions dans les département à vu son montant augmenté et réaffecté principalement à la compensation des charges nettes du département, mais la contribution reste modeste et inéquitable selon les départements et son effet péréquateur reste insuffisant.
De façon général, on constate une augmentation des dépenses nettes lié au RMI-RSA passant de 5,22 a 7,29 milliards d’euros tandis que dans l’intervalle, la charge nette des département est passée de 950 millions d’euros à 1,71 milliards d’euros en 2010. Les conséquences ont été brutes, le département ont réduit très nettement en 2010 leur dépenses lié à l’insertion. Sans un mécanisme de péréquation national les départements qui verront leur nombre d’allocataire augmenter se trouveront devant un dilemme l’augmentation des prélèvement fiscaux ou le durcissement à l’accès aux prestations.
Les difficultés concernant la mise en place des politiques d’insertion tant sur le plan de sa gouvernance que de sa pertinence ont été souligné aussi bien dans le cadre des débats parlementaires que dans les travaux d’expert.
Si le RSA se rapproche les allocataires de la sphère productive et des institutions en charge de la régulation du marché du travail et qu’il a obtenu une place centrale dans le dispositif d’insertion sous la responsabilité du conseil général, il n’en demeure pas moins que la question de la territorialité (à savoir si c’est bien au département de le prendre en charge) se pose. Par ailleurs, il est paradoxal que les allocataires du RSA ai été tenu à l’écart de la mise en place du pôle emploi alors qu’ils seraient considérés comme tous employable (même si cette hypothèse est contestable).
Le RSA à aujourd’hui inversé la tendance du principe de solidarité national conçue à l’origine comme soutien au revenu avec une contre partie qui s’imposait plus a la société qu’a l’individu, pour voir apparaître une forme de «solidarité active» très affirmé.
L’État qui avait centralisé en 1988 le RMI et qui à vu durant l’Acte II de la décentralisation transférer ses compétences aux départements et un financement plus ou moins figé. Par ailleurs on note que le développement progressif de l’intéressement qui culmine avec le RSA contribue à faire des allocataires responsables de leur emploi.
Les dynamiques d’insertion superposé à la conditions des contrats, à une activation des allocataires, alors que le marché du travail est en berne, pose la question du rôle des pouvoir publics qui sont responsable sur le champ de création d’emploi et la dynamisation du marché du travail. L’État pourra t-il toujours joué son rôle de protecteur social tout en dynamisant l’accès à l’emploi, pourra t il apporter plus de cohérence sur le dispositif et assurer les moyens financiers de son accomplissement?
Le bilan du RSA est de façon général négatif l’ensemble des rapports d’évaluation font le même constat : une efficacité très limité, des moyens qui ne sont pas au rendez-vous, un faible impact sur la reprise de l’emploi, la surprise du non-recours au RSA, l’accompagnement des bénéficiaires mis à mal par un manque de moyen criant, ce sont autant de points qui fragilise les principes d’insertion instaurées lors de la création du RSA.
Le RSA s’inspire des politiques d’activation des dépenses de chômage développées dans d’autres pays d’Europe et reste exclusivement lié à la dynamique d’insertion par l’emploi. Peut-on évaluer la réussite d’un parcours d’insertion exclusivement en fonction du retour à l’emploi? Le RSA ne provoquerait-il pas en plus une forme de dualisme entre allocataire une inégalité de traitement entre territoires? Quels seraient les enjeux aujourd’hui pour une meilleure application du RSA?
Présenté comme une innovation sociale majeure, la portée d’un tel dispositif, variable selon ses caractéristiques réelles et son ampleur, est très ambivalente. La gouvernance a connu bien des déboires, quels seraient selon vous les éléments d’appréciation d’une meilleure gouvernance?





Merci pour cet article extremement utile. Vous avez dit que Le RSA s’inspire des politiques d’activation des dépenses de chômage développées dans d’autres pays d’Europe. Puis-je savoir quels pays exactement ? Et ça serai formidable si vous pouvez nous expliquer les différences