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Le 9 mars dernier, quelques 300 000 jeunes manifestaient dans les rues des grandes villes de France pour protester contre ce qui semble en passe de devenir le débat économique de la décennie. La pétition lancée par Caroline De Haas, intitulée « Loi travail : non merci » a obtenu à l’heure actuelle plus de 1,2 millions de signatures. Le propre camp politique du gouvernement conteste en masse le projet de loi, qu’il estime contraire aux valeurs de la gauche. L’objet de ce bref article est de réaliser un résumé le plus simple possible des grandes lignes de ce projet de loi, pour finalement confronter les promesses du gouvernement à la réalité de cette décision.
Deux inspirations significatives
Myriam El Khomri, ainsi que les principales têtes du gouvernement qui ont grandement influencé la direction de ce projet de loi, se sont inspirés de deux idées centrales pour sa réalisation :
– celle du rapport Combrexelles (ancien Directeur Général du Travail), qui veut favoriser le dialogue au sein de l’entreprise.
– celle du rapport Badinter (ancien ministre de la Justice), qui souhaite « assurer le respect des droits fondamentaux de la personne au travail », avec une nuance de taille : les règles doivent être adaptées en fonction des besoins de l’entreprise.
Les principaux points du projet de loi
Le projet de loi sera sûrement, après relecture, quelque peu modifié, mais nous pouvons tout de même tracer les principales dispositions de la réforme.
D’abord, le temps de travail connaît d’importantes modifications. La durée quotidienne passerait de 10h maximum à 12h, la durée hebdomadaire de 48h à 60h, et le forfait-jour, qui doit aujourd’hui être décidé en accord collectif, pourrait être convenu par simple accord entre le salarié et l’employeur. Les apprentis pourraient travailler 10h par jour maximum au lieu de 8h aujourd’hui ; ils pourraient aussi travailler 40h par semaine maximum au lieu de 35h – sans besoin de passer par l’inspection du travail et le médecin du travail, ce qui est le cas aujourd’hui.
Les indemnités prud’homales seraient plafonnées selon l’ancienneté du salarié (pour moins de deux ans d’ancienneté, 3 mois de salaire ; de deux à cinq ans, 6 mois de salaire, etc.), alors qu’aujourd’hui elles sont définies par le juge des prud’hommes. Celui-ci pourrait passer outre ces plafonements à la seule condition d’une faute grave de l’employeur (harcèlement sexuel ou moral, par exemple).
50% des voix lors des élections professionnelles seraient désormais nécessaires aux syndicats pour valider un accord, contre 30% actuellement.
Les entreprises auraient, avec cette réforme, la possibilité d’augmenter le temps de travail de ses salariés, dans le cadre d’accords dits « offensifs », c’est à dire que l’entreprise n’a pas besoin d’être en difficulté pour engager cette procédure, alors qu’actuellement, ces accords existent mais sont « défensifs », et nécessitent une situation critique de l’entreprise. Si le salarié refuse cette augmentation du temps de travail, il peut être licencié, pour « motif personnel ».
La majoration du salaire que permettent les heures supplémentaires pourrait être diminuée à 10%. C’est déjà le cas aujourd’hui, mais les entreprises sont soumises pour cela à des accords de branche. Avec la loi travail, elles pourrait faire cela sans ce type d’accords.
Une présentation insidieuse
Libre à chacun de se forger son avis sur la question. Aujourd’hui, 70% des français se déclarent opposés au projet de loi. Force est de constater que l’utilisation par le gouvernement du terme « flexi-sécurité », pour qualifier cette réforme, n’est objectivement pas adaptée. En effet, seule la flexibilité de l’emploi est mise en avant dans ce texte. Simplification du licenciement, augmentation du temps de travail, diminution des revenus pour le salarié, et déconsidération des syndicats professionnels, sont les principales orientations de ce projet de loi. Quelques voix s’élèvent – surtout à droite – pour défendre cette réforme, qui estiment que la facilitation du licenciement impliquerait l’augmentation de l’embauche, puisque les employeurs n’auraient, dans ce contexte, plus peur d’embaucher.
D’un point de vue purement politique, les électeurs de François Hollande se sentent trahis par ce projet, que les élus de droite approuvent amplement. Par ailleurs, l’absence de « sécurité » dans le mot « flexi-sécurité » ne fait qu’amplifier ce phénomène. Il pourrait être intéressant de se pencher sur les réels effets d’une politique de flexibilisation du marché, et de tenter de comprendre la logique qui motive cette décision, ainsi que le degré de pertinence qu’elle recouvre.





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