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Le remaniement des budgets accordés aux établissements de santé accentue la concurrence entre les secteurs public et privé
par Hélène Delaplace
05 09, 2016 | dans Non classé | 0 Commentaires
Cette année, comme chaque année, le Ministère des Affaires sociales et de la Santé a publié un arrêté tarifaire relatif aux forfaits alloués aux établissements de santé. La décision a été mise à la disposition du grand public sur le site internet du ministère le 8 mars, soit seulement trois mois après l’adoption du projet de loi de modernisation du système de santé (17 décembre 2015). Le communiqué de presse de Marisol Touraine annonce « des tarifs équitables pour les établissements de santé publics et privés ». Pourtant les réactions sont mitigées et témoignent de plusieurs scissions au sein des professionnels de la santé.
Au niveau national, les fonds consacrés aux établissements de santé pour l’année en cours augmentent de 1,75% par rapport à 2015, ce qui correspond à une hausse de 1,3 milliard d’euros. Le crédit total accordé au secteur atteint donc 77,7 milliards en 2016, mais l’affiliation des fonds ne fait pas consensus. En effet, elle cible uniquement les Missions d’Intérêt Général et d’Aide à la Contractualisation (MIGAC) et la valorisation de l’Hospitalisation à Domicile (HAD). Si le projet constitue un véritable progrès en ce sens -avec une augmentation de 1,7% pour les MIGAC et de 0,4% pour la HAD, il entraîne cependant une augmentation prévisionnelle du volume d’activité. Ce dont se sert le Ministère de la Santé pour justifier par ailleurs une baisse de 1% en moyenne des tarifs des Groupes Homogènes de Séjours (GHS). Or, qui dit baisse de tarifs, dit baisse des moyens financiers des structures de santé.
La Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) dénonce les effets pervers de la réduction des tarifs, qui sont ramenés à un niveau inférieur à celui de 2004. Son directeur Lamine Larbi affirme que : « le gouvernement se prive délibérément de la création de 5.000 emplois sur laquelle nous nous étions engagés dans notre branche ». Les réactions ne se sont pas faites attendre, et divisent le monde des hôpitaux en deux camps : camp du public et camp du privé. La campagne tarifaire a essuyé de nombreuses critiques de la part de ce dernier, qui dénonce une dégradation de la situation par rapport au secteur public et accentue les écarts. Les tarifs étant déjà inférieurs pour les établissements privés, ceux-ci doivent redoubler d’effort pour optimiser toujours plus leur mode de fonctionnement. La FHP publie un communiqué le 10 mars dans lequel elle affirme qu’entre 1992 et 2012, près d’un quart des établissements privés est devenu déficitaire. C’est le secteur de la Médecine Chirurgie Obstétrique (MCO) qui est le plus touché, ainsi que les activités qui relèvent presque toujours du secteur privé notamment la chirurgie de la main et du poignet (qui voit ses tarifs baisser de 15%) ou l’ORL (avec une baisse de 15,19% pour la chirurgie des amygdales).
La campagne tarifaire 2016 semble cristalliser les écarts entre l’aide apportée par l’Etat à la sphère publique, et celle apportée à la sphère privée. Elle s’inscrit dans la lignée de la loi santé de 2015, et témoigne du souci de Marisol Touraine de soutenir les missions du service public hospitalier. Il s’agit à présent de trouver des solutions pour empêcher que les mesures mises en place en faveur d’un secteur ne deviennent trop défavorables à un autre. C’est pourquoi le gouvernement se doit d’apporter un soutien aux structures hospitalières face aux réorganisations qui auront suite à la campagne tarifaire. On ne peut que souhaiter que ces mesures s’accompagnent de revalorisations salariales, pour empêcher un possible effet « de ciseau » (lorsque que les dépenses nationales augmentent alors que les tarifs baissent). La modernisation du système de santé est en marche, cette mesure ne constituant qu’un deuxième pas vers une démocratisation de l’accès aux soins. Reste à surveiller les conséquences de la campagne tarifaire sur les structures privées, tout en espérant que les projets des établissements publics s’inscrivent sur le long terme.





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